« La joie est une puissance, cultivez-la » citation attribuée au Dalaï Lama
La joie est une émotion qui paradoxalement est assez peu étudiée et rarement mise en valeur dans l’art et la littérature. A la manière du dicton « les gens heureux n’ont pas d’histoire » ou de l’expression « on ne parle jamais des trains qui arrivent à l’heure », le ressenti émotionnel et corporel de la joie étant agréable et sans problème, on peut facilement le laisser passer sans y prêter attention et lui dire de circuler comme s’il n’y avait rien à voir.
Or, la méditation de pleine présence est une invitation à observer attentivement et régulièrement cette émotion pure qui se reconnaît entre autre à un éclat de rire, à un large sourire ou à des yeux qui pétillent et au corps qui frétille. Car la joie jaillit directement du cœur : elle nous porte et nous rend enthousiastes. La joie nous rend disponibles, ouverts et optimistes. Le langage de cette émotion est aussi parfaitement universel : le sourire, l’étincelle dans les yeux, un ineffable rayonnement. Des mesures scientifiques de la chaleur corporelle ont ainsi prouvé qu’un Scandinave comme un Thaïlandais irradient de la même et douce chaleur, diffuse et légère, dans tout leur être, de la tête aux pieds et particulièrement dans la zone du cœur. La joie se reconnaît donc bien à cette sorte d’aura que physiquement nous ressentons chez nous comme chez les autres comme un mouvement d’ouverture à la Vie en nous et autour de nous.
Nous proposons donc une pratique toute simple pour méditer la joie et s’entraîner à ouvrir son cœur à la joie. Il ne s’agit pas du tout d’auto-persuasion ni de positiver à tout prix, dans une attitude volontariste et artificielle. Il s’agit de s’entraîner à reconnaître la joie quand elle est là et à lui accorder au moins autant d’attention qu’aux autres émotions. Le cerveau, habitué à résoudre des problèmes, s’agrippe tout seul aux autres émotions, au risque, parfois, de faire perdurer inutilement une grosse colère ou un vilain dégoût. Mais pour la joie, c’est à nous qu’il appartient de la cultiver afin de remplir en nous comme une petite réserve personnelle et d’en avoir toujours au fond de nous quand les coups durs sont là.
Ceux qui connaissent Harry Potter pourront comprendre qu’il nous appartient de préparer et d’entretenir nos « patronus », c’est-à-dire nos antidotes à tous les « détraqueurs » qui s’appliquent à aspirer en nous la joie de vivre. Pour Harry Potter, l’anti-héros par excellence, l’enfant sans parents qui vit sous l’escalier et qui doit survivre à son oncle et sa tante et leur méchant fils Dudley, ça ne tient pas à grand-chose. Quand il est au point de rupture et que sa joie de vivre l’abandonne, il évoque le souvenir de Ron et Hermione, ses deux meilleurs amis. Au fond, ça ne va pas chercher bien loin : un copain et une copine sur lesquels on peut compter. Encore faut-il penser à activer ces antidotes et avoir le réflexe d’y avoir recours pour qu’ils nous en restent toujours une petite réserve à utiliser en cas d’urgence.
Prêter attention à la joie, consacrer du temps à observer et cultiver la joie toute simple de vivre, s’entraîner à y revenir quand c’est nécessaire, c’est un entraînement que la méditation nous permet de pratiquer régulièrement. C’est notre choix et c’est aussi notre responsabilité car c’est aussi notre contribution à la bonne marche du monde et c’est loin d’être négligeable.
Nous prenons donc un temps dégagé de toutes nos activités et de toutes nos obligations pour porter notre attention sur l’émotion de la joie. Cette émotion jaillit spontanément, elle est bienfaisante et elle se partage volontiers. Mais elle nous semble aussi un peu fugace, insaisissable et souvent trop brève. Comme les bons moments passent plus vite, il nous semble que nous passons beaucoup de temps et d’ énergie à observer parfois à ruminer voire à ressasser les émotions qui sont plutôt désagréables. C’est compréhensible car elles signalent un besoin à nourrir ou un problème à gérer ou des actions à mener. La joie toute simple, elle, n’exige rien de nous : tout au plus de savoir en profiter … tout au plus de ne pas passer à côté.
Pour une fois nous nous asseyons et nous faisons un pas de côté pour cultiver la joie en nous. Pour cela, très spontanément et sans chercher forcément la plus grande joie au monde ni le plus beau jour de notre vie, nous laissons émerger en nous un souvenir : laissons venir à nous la rémanence d’une joie, d’un moment joyeux, d’un moment où on était content et où on s’est senti satisfait.
Dans un premier temps nous pouvons essayer de faire revenir à nous les détails de la situation : où était-ce ? avec qui ? Avec quels amis ? Dans quel lieu ? Nous pouvons rechercher quelques détails de l’environnement ou un petit quelque chose qui fasse revenir en nous cette étincelle de joie : comment nous sentions-nous à ce moment-là ? Qu’avons-nous exactement ressenti ? Essayons de ressentir à nouveau ce que nous avons alors ressenti … dans le cœur … dans la cage thoracique … dans le plexus solaire … dans le ventre … dans les membres … dans la gorge … dans la tête … sur le visage ….
Concentrons-nous moins sur la situation ou l’événement ou l’anecdote que sur le ressenti corporel : essayons de ressentir à nouveau dans cette plénitude physique et ce ressenti énergétique de l’émotion de joie en nous. La démarche ne consiste pas à s’agripper : l’intention de la méditation n’est pas de tordre le réel pour faire perdurer une situation de joie. Nous savons en effet que les moments de joie ont un début, un déroulement, une fin. Nous savons aussi que rien ne dure et que tout change tout le temps. Dans la fluidité de la vie, nous cherchons juste à nous remémorer les perceptions physiques pour qu’ensuite, quand elles reviendront à nouveau, générées par une situation ou une autre, nous y soyons plus attentifs et que nous les reconnaissions plus vite … mieux… plus précisément … Et puis nous pouvons affiner notre perception comme pour distiller, comme pour en cueillir la quintessence, l’esprit en nous.
Nous pouvons lui attribuer une couleur, un jaune éclatant, un rouge vif, un safran ou une teinte pailletée, des reflets… Et à l’inspiration nous pouvons avoir cette impression que cette sensation entre encore plus en nous comme si elle venait nous remplir dans chaque parcelle de notre être, dans chaque cellule du corps et dans tous les interstices. C’est comme si nous voulions nous baigner dans la sensation de joie. Nous inspirons la joie, elle se diffuse le long du trajet de l’air dans le nez, dans la gorge, dans la cage thoracique, le plexus solaire et l’abdomen, elle se répand dans tout le dos, les trapèzes, les omoplates, les vertèbres dorsales, les vertèbres lombaires, dans le bassin, les os iliaques, l’épaule gauche, le bras gauche, avant-bras, paume, poignet et dans toute la large paume, dans tous les doigts. Un ressenti ou une teinte liés à la joie qui parcourent l’épaule droite, le bras, le coude, l’avant-bras, le poignet, la large paume et chaque doigt de la main droite. Inspirer la joie et la diffuser dans la jambe gauche, l’aine, la cuisse, le genou, le mollet, le tibia, tout le pied gauche, dessus, dessous, dans la jambe droite, le genou, le mollet, le tibia, la cheville, sous le pied, sur le pied.
Nous inspirons pleinement une teinte ou une sensation associée à la joie et nous ressentons la plénitude dans notre corps, dans notre nuque, dans toute la boîte crânienne, le cuir chevelu, le large front, le sourcil gauche, la tempe gauche, la joue gauche, la paupière gauche, l’œil gauche, ressenti de plénitude qui se diffuse, le sourcil droit, tempe droite, joue droite, paupière droite, œil droit, sur le nez, les ailes du nez, la lèvre supérieure, la lèvre inférieure, le menton, dans la bouche, dans la langue, dans la gorge et qui revient au cœur.
Inspirer la joie dans tout l’espace du cœur pour diffuser le ressenti de la plénitude, de la satisfaction, du contentement, de la joie pure. On commence dans la zone du cœur devant, de la zone du cœur dans le dos comme si nous étions remplis d’une grosse bulle de joie qui nous fait sentir plus légers et plus rayonnant. On essaye de sentir le rayonnement à l’avant de soi, à l’arrière de soi, sur le côté gauche, sur le côté droit et cette petite étincelle de joie qui se transforme en une bulle intérieure et puis peut-être en une bulle extérieure à nous. On peut imaginer ces gros ballons dans ces fêtes foraines dans lesquels on peut marcher : tout autour de nous, nous ressentons une énorme bulle de couleur qui scintille. Nous inspirons pour qu’elle grandisse et qu’elle s’épanouisse autour de nous pour que son rayonnement soit intense. Nous inspirons et à l’expiration, nous voyons que cette bulle peut se diriger vers les autres, tout autour de nous : nos proches, ceux que nous aimons le plus, ceux que nous connaissons un peu, ceux dont nous savons qu’ils sont à la peine. Et de proche en proche, la bulle de joie se diffuse à tous les autres, dans notre quartier, dans notre ville, dans notre région, dans notre pays, dans les pays voisins, à tout le continent, et à tous les autres continents, et à toute la terre.
Nous méditons et exerçons notre responsabilité pour cultiver les petites étincelles de joie en nous et pour les faire se propager de proche en proche tout autour de nous.
« La joie est une puissance, cultivons-la ».

https://fr.dalailama.com/videos/trouver-joie-et-bonheur
https://www.babelio.com/livres/Dalai-Lama-Le-Livre-de-la-joie/887407
