« Une tempête sous un crâne » MEDITER SUR LA METEO INTERIEURE

La « météo intérieure » est l’un des exercices fondamentaux de la méditation à pratiquer pour soi et dans toutes les circonstances qui nécessitent de connaître son état interne.

 « Une tempête sous un crâne »  : méditer pour expérimenter la météo intérieure

« Une tempête sous un crâne » est le titre d’un des chapitres des Misérables (roman de 1862) de Victor HUGO. Ce chapitre relate la nuit tourmentée au cours de laquelle le héros, Jean Valjean, prend la décision de révéler sa véritable identité pour sauver un innocent au risque de sa propre vie.

Une tempête sous un crâne : méditation dite de la "météo intérieure"
Victor Hugo

Sans comparer nos vies à des situations aussi dramatiques, nous retenons que la métaphore météorologique est très évocatrice pour décrire les états mentaux et émotionnels qui nous traversent et bien souvent nous agitent et nous perturbent.

 Il n’est pas étonnant que ce soit sous la plume d’un des maîtres du romantisme que nous lisions une telle citation. Car le romantisme c’est ce courant littéraire qui fait attention voire exalte les états d’âme et les passions humaines. Le lecteur du livre ou le spectateur d’une peinture ou d’un concert réalise alors que la condition humaine est partagée par d’autres que lui et, la sublimation  artistique, la lui rend plus supportable.

En méditation, la pratique dite de la météo intérieure est un des exercices fondamentaux à pratiquer pour soi mais aussi en classe et dans toutes les circonstances qui le nécessitent. Il a été décrit par Jeanne Siaud-Facchin dans son ouvrage Tout est là, juste là, Méditation de pleine conscience pour les enfants et les ados aussi, (Odile Jacob, Paris 2014) qui en offre une pratique sur CD (à la piste 6). Il faut l’avoir pratiqué et le connaître pour pouvoir le partager facilement. 

La météo intérieure un outil très précieux et facile à partager en classe notamment pour fournir un petit lexique de vocabulaire emprunté aux métaphores météorologiques. A certains moments de l’année comme aux changements de saisons par exemple la météo est du reste un sujet de conversation bien commode : parler de la plus et du beau temps, c’est pas trop engageant et c’est toujours à notre disposition qu’il fasse beau ou qu’il fasse mauvais, qu’il vente ou qu’il pleuve, qu’il fasse très froid ou très chaud. En classe en particulier, c’est une amorce facile et une petite transition douce vers cet exercice de météo intérieure qui permet d’introduire progressivement le vocabulaire des pensées, des sentiments et des émotions. Tout ce vocabulaire dont nous avons besoin pour nous décrypter avec finesse et nous comprendre avec bienveillance. 

Nous nous installons donc dans un endroit où nous ne sommes pas dérangés et où nous nous sentons protégés pour commencer cet entraînement et cette exploration de notre météo intérieure. 

Notre météo intérieure se caractérise tout d’abord, à l’instar de la météo extérieure, par sa variabilité et son impermanence. La météo intérieure change tout le temps comme celle sur les côtes atlantiques qui sont balayées par les vents d’ouest, depuis l’Irlande jusqu’au Portugal en passant par l’île de Ré et  la Rochelle, Bordeaux et  Biarritz.  Dans ces régions en particulier on sait que la météo change d’instant en instant et plusieurs fois par jour. Elle change au gré du vent, elle change également au gré des marées, marées montantes, marées descendantes. 

Mais par ailleurs nous savons que la météo extérieure est ce qu’elle est et qu’on ne peut rien y faire : il n’y a rien à changer à la météo extérieure ni à y faire. C’est un fait : on ne peut rien faire contre le mauvais temps, contre le beau temps, contre le temps ordinaire, on peut juste l’observer et l’observer encore, de plus en plus précisément afin de distinguer une bourrasque d’un cyclone, un ouragan d’une tornade. On peut s’entraîner aussi à observer la pluie qui tombe : une petite averse intermittente ou bien une pluie d’orages ; une pluie dense et drue qui dure et qui s’infiltre. Il y a aussi toutes formes de nuages à observer : les petits duveteux, très blancs, très légers ou les nuages plus massifs et plus imposants qui  peuvent s’étaler et boucher l’horizon. Certains nuages sont d’un gris si opaque qu’on parle parfois de nuages noirs tellement leur épaisseur et leur densité les faire changer de couleur. 

Nous pouvons essayer maintenant de  tourner notre regard vers l’intérieur et de nous poser la question toute simple : quelle est notre météo intérieure ? 

Quelle est ma météo intérieure ? Qu’est-ce qui est là pour moi en terme de météo intérieure ?

Est-ce que c’est le grand calme ? grand ciel bleu, grand soleil ?

Est-ce qu’il y a une légère brise à l’intérieur de nous ? Ou au contraire est-ce que le vent s’est levé ? Est-ce qu’il y a de l’agitation dans les masses d’air ? Est-ce que je ressens des zones de haute pression, de basse pression, de dépression?

Est-ce qu’il y a à l’intérieur de nous de l’agitation tellement forte que l’on sentirait comme de l’électricité comme par temps d’orage, par temps de la colère voire temps de la rage?

Est-ce que la petite brise ou le vent plus intense au contraire semblent apporter la pluie ? Est-ce que de l’intérieur ou de l’extérieur de nous-même nous ressentons une forme de tristesse ou de chagrin ? Est-ce qu’il pleut à l’intérieur ? Est-ce que ça pleure à l’intérieur ?

Et puis progressivement du vocabulaire de la météo nous pourrons glisser vers un vocabulaire plus adapté à nos ressentis émotionnels et psychiques. 

Est-ce qu’il y a du trouble, de l’agitation, de l’émoi, de la perturbation ? 

Est-ce que je me sens joyeux, détendu, optimiste ? Est-ce que je me sens en confiance, satisfait, fier ?  Est-ce que je me sens tranquille, paisible, serein ? 

Est-ce que je me sens découragé, agressif, soucieux ? Est-ce que je me sens triste, tendu, envieux, déçu ? Est-ce que j’ai des regrets ? Est-ce que j’ai des doutes ? Est-ce que je me sens gêné, fatigué, dans une impasse, débordé, déprimé ?

Est-ce que je me sens totalement présent ? Est-ce que  je me sens plutôt absent ?

Il n’y a rien à changer. Il n’y a rien à critiquer. Il n’y a rien à juger ni à repousser. Il suffit juste d’observer et de se rappeler qu’il y a des mots pour le dire … des mots pour se le dire à soi d’abord…de soi à soi-même. 

Quelle est précisément ma météo intérieure ? 

Comme Victor HUGO évoquait Jean Valjean et décrivait “une tempête sous un crâne”, nous sommes invités à nommer et décrire nos états internes.

Nous pourrons ensuite inviter les autres à en faire autant que ce soient nos proches ou nos élèves afin qu’ils puissent aussi décrire minutieusement leur météo intérieure.

Notons objectivement comme le ferait un ingénieur de Météo France. 

Devenons un expert de notre état intérieur… notre état émotionnel et notre mental. 

Notons aussi, éventuellement, les ressentis physiques qui sont associés à notre météo intérieure ?

Comme dans ce documentaire intitulé  Ouragan, imaginons prendre une caméra afin d’observer la tempête, d’observer l’orage, d’observer l’averse en nous ….

Nous nous rappelons aussi que même les plus gros des ouragans finissent par perdre de leur énergie et de leur violence. Même la plus grosse tempête de neige, même le plus gros épisode cévenole finit par passer. 

La météo change tout le temps ; nos états internes changent tout le temps …d’instant en instant … même les plus désagréables et les pires d’entre eux finiront par passer.

Observons depuis un espace neutre et imperturbable en nous : l’espace de la conscience. Nous mettons ainsi une toute petite distance entre la météo intérieure ressentie et l’observateur en nous. Nous prenons refuge dans l’espace de la conscience que la météo intérieure ne perturbe pas. L’espace de la conscience demeure inaltérable exactement comme le ciel demeure bleu et ensoleillé au-dessus des nuages. 

Visualisons ces avions cloués au sol car la météo est trop mauvaise. Les éléments se déchaînent mais parfois l’avion est autorisé à décoller tout de même. 

Comme l’avion, nous  nous décollons de notre météo intérieure et de nos états internes. Puis nous montons …. montons…montons …montons … et nous traversons les nuages

Enfin au-dessus des nuages nous parvenons dans cet espace infini  : il fait soleil et le ciel est bleu. Comme le vaste ciel est plus grand que la météo locale,  nous parvenons à visualiser et à ressentir, en nous, l’espace infini et serein de la conscience. Il est plus vaste que nos états internes, plus lumineux, plus dégagé, tout à la fois infini et imperturbable. 

Quoi qu’il se donne à vivre, savoir quelle est notre météo intérieure est précieux.

Pour partir en expédition en montagne ou pour affronter les éléments d’une météo perturbée, il est pratique de savoir à l’avance comment s’équiper… comment s’organiser…. comment faire pour passer à travers ….comment faire pour ne pas trop être dévasté….

Quoiqu’il nous soit donné de vivre et quelle que soit la réponse que nous aurons à apporter à telle ou telle situation, il est bien utile et efficace d’observer pour reconnaître, nommer et décrire notre état interne. 

Il est parfois pertinent de partager avec les autres notre bulletin météorologique non pas pour leur faire essuyer nos tempêtes intimes mais pour les avertir et pour leur permettre éventuellement d’en tenir compte si leur propre météo intérieure le leur permet.

Et un clin d’œil pour finir un lien mêlant météo, Victor Hugo et cinéma ; )

https://www.francetvinfo.fr/meteo/cyclone-ouragan/au-coeur-d-un-ouragan-avec-victor-hugo-et-romane-bohringer_1491051.html (lien consulté le 29 octobre 2020)

Réalisateurs Cyril Barbancon Andy Byatt Jacqueline Farmer StudioUniversal 2017 (1h22)

(lien consulté le 29 octobre 2020)