Méditer pour faire du temps un allié.
Méditer pour faire grandir la patience en soi
La méditation suppose et développe la patience
A rebours de notre époque, la méditation est en effet une pratique qui suppose une certaine patience. Toutefois, méditer ce n’est pas attendre car ce n’est pas se tendre vers un objectif ni vouloir obtenir à toute force un résultat bénéfique. Méditer c’est prendre le temps et laisser le temps agir au fond. C’est ainsi qu’en méditant, il se peut que l’on devienne plus patient et que dans le quotidien et la “vraie vie”, l’on développe un autre rapport non seulement au temps mais aux circonstances contrariantes et désagréables.
Il n’est d’ailleurs pas aisé de définir véritablement la patience et ni comprendre en quoi c’est une ressource pour nous. On saurait mieux illustrer son contraire : l’impatience. Il y a même une fleur nommée l’impatience de Waller, Impatiens Walleriana. Le terme «impatiens» est un peu ironique. Le nom scientifique provient de l’impatience de la plante à répandre ses graines. Le toucher le plus léger provoquera l’ouverture d’une gousse d’impatiens et une envolée massive de ses graines.
La patience, elle, interroge à la fois notre rapport au temps et aux événements. Selon Larousse c’est la qualité de quelqu’un qui sait attendre avec calme et dans la sérénité. C’est aussi l’aptitude à ne pas s’énerver ou se sentir exaspérer des difficultés, à supporter les défaillances, les erreurs, les malheurs. C’est enfin la capacité à persévérer et à montrer de la constance dans la poursuite d’un dessein malgré les obstacles et les difficultés inhérentes.
On s’épargnera ici la litanie des proverbes et citations qui valorisent la patience dans toutes les sagesses sur tous les continents car notre propos n’est pas une leçon de morale mais de trouver des ressources utiles. Ainsi on préférera relever que dans toutes les traditions mythologiques ou spirituelles, la patience est présentée comme une vertu éminente et parfois comme la mère de toutes les autres vertus. La patience comme force de caractère par excellence. Il y a bien sûr les 12 travaux d’Hercule et toutes les quêtes initiatiques qui mettent à l’épreuve la patience et l’endurance du héros. Chez Homère par exemple, que ce soit les Grecs devant Troie, Ulysse pour revenir à Ithaque ou Pénélope devant sa tapisserie, c’est bien à la fois la démonstration de la capacité à endurer les difficultés et la capacité à se situer consciemment et volontairement dans un temps long sans perdre ni espoir ni confiance.
Dans la Bible, la qualité divine de patience est traduite de l’hébreux, par le terme « lent à la colère », signifierait « longueur de souffle ». Dans les Evangiles, en grec donc, le terme employé est macrothumia a pour traduction exacte « longanimité », c’est-à-dire la capacité de Dieu à endurer ce qui lui déplaît et qu’il aurait pourtant le pouvoir de faire cesser. La patience du Christ est édifiante à la fois dans l’épreuve qu’il subit et envers les hommes qui lui manifestent incompréhension et haine.
Du côté du bouddhisme, enfin, la patience (seupa en tibétain) fait partie des 6 perfections pratiquées par les bodhisattvas, ceux qui restent incarnés volontairement pour instruire les autres humains dans la voie de l’éveil. La patience est considérée comme l’antidote aux deux grands ennemis intérieurs que sont la colère et la haine car la patience permet d’endurer, de tolérer et de supporter les nuisances et agressions sans se laisser envahir par le ressentiment, le découragement ou la victimisation. Faire preuve de patience c’est choisir de comprendre les causes de la souffrance ou des situations contrariantes et déterminer éventuellement quelle est notre part de responsabilité. Il ne s’agit pas du tout de se résigner passivement ni de se soumettre mais de conserver son esprit clair et paisible et de rester calme et posé pour mieux agir face aux circonstances hostiles.
On retrouve ici des parentés avec la conception philosophique occidentale dont le parangon reste le stoïcisme bien sûr. La patience est donc cette ressource de la sagesse qui permet, surtout dans les cas où la souffrance ne dépend pas de soi ni ne peut être supprimée de vivre le mieux possible avec, de faire avec sans trouble excessif ni vaine révolte. C’est donc choisir de demeurer libre. C’est décider de ne pas devenir le prisonnier de la souffrance ni devenir le jouet des circonstances néfastes. Ce n’est pas une attitude morale mais un choix éthique pour une vie bonne et juste au sens philosophique du terme. Et si au fond, la patience ne pouvait s’apprendre que face à l’adversité ? Et si les épreuves avaient un intérêt malgré tout, à savoir nous initier à un rapport au temps renouvelé.
Ainsi la méditation demande-t-elle à être pratiquée avec cette intention de considérer le temps comme un allié et une ressource. Et en retour, pratiquer la méditation fortifiera en nous la stabilité émotionnelle et la “longueur du souffle” nécessaires pour sortir de la réactivité et de l’impulsivité. La méditation favorise l’observation en première intention et le discernement en second lieu. Il s’agit ainsi de prendre le temps d’étudier les différentes options et en toute connaissance de cause choisir de poser les actions les plus justes, les plus congruentes et les plus efficientes.
Quel est alors notre rapport au temps ?
Comment nous débrouillons-nous tout ne se déroule pas exactement dans le rythme ou le tempo que nous avions imaginé et souhaité.
Cultiver la patience c’est peut-être un effort pour nous car dans nos premiers mouvements, nous serions plutôt et spontanément dans l’impatience
Comme un enfant qui voudrait aider un papillon à sortir plus vite de sa chrysalide, nous nous précipitons parfois en compromettant nos chances de succès. Et parfois guidé par notre mental nous oublions que le papillon a besoin de temps pour sortir de la chrysalide et que chaque étape – même une étape lente ou une étape difficile – a un intérêt en soi et peut prendre un afin de permettre finalement au papillon de s’envoler au bon moment.
Comment s’ajuster aux rythmes et des cadences imposées de l’extérieur ?
Si dans la plupart des cas, le temps nous semble trop court quand il y a de longues listes de tâches à faire, il peut aussi parfois nous sembler beaucoup trop long quand nous attendons un évènement heureux ou une solution à un problème ou la guérison d’une maladie.
Comment limiter ces sources de pression intérieure en prenant appui sur la course du temps ?
Méditons et prenons l’habitude d’observer le temps qui s’écoule alors que nous faisons finalement rien.
Profitons-en pour observer le rythme en nous en commençant par le rythme de notre respiration,
il faut un certain temps pour inspirer et il faut un certain temps pour expirer.
Ouvrons-nous à chaque instant qui se présente au lieu de passer à côté et finalement de passer à coté du temps de notre vie
Evitons ainsi de fuir les mauvais moments et de nous précipiter vers de meilleurs lendemain, dans une tension interne toujours plus grande
Méditons pour nous soustraire à l’accélération, à la précipitation, à l’agitation perpétuelle
Et revenons au ressenti des battements du cœur pour dégager un espace intérieur plus vaste et plus disponible
ET ainsi nous accueillons les évènements exactement comme ils sont, exactement à leur rythme et exactement le temps qu’il faut pour le faire
Acceptons qu’il faut du temps parfois
il faut du temps pour sortir de sa chrysalide,
il faut du temps pour grandir,
il faut du temps pour apprendre.
Toutes les œuvres humaines les plus sophistiquées, les réalisations les plus merveilleuses, les plus utiles, les plus agréables ont demandés du temps pour advenir
En musique l’art du temps et du tempo, le chef d’orchestre prend toujours le le temps avant de jouer d’installer les musiciens, de les laisser s’accorder, et de leur montrer le tempo.
C’est ainsi que la musique est particulièrement consolatrice elle comble nos attentes dans le temps et nous berce comme un enfant.
L’art musical demande enfin des milliers d’heures d’entraînement.
Au début du travail d’un musicien il y a le silence et la partition
puis avec beaucoup humilité et persévérance, note après note, mesure après mesure le musicien répète
avec patience et constance
avec la même patience et la même constance nous méditons jour après jour, immobile et silencieux
et ainsi nous cultivons en nous, la possibilité de l’espoir et du progrès.
En nous contentons de ce qui est là, juste là, “pour le moment”, provisoirement
Le temps devient un allié auquel nous nous en remettons avec patience dle temps que nos peines s’apaisent, que nos problèmes trouvent une solutione
en limitant la lutte contre le temps et la tension intérieure contre les circonstances
en choisissant de persévérer malgré les obstacles ett malgré les difficultés.
En méditant nous régénérons nos forces intérieures pour continuer malgré tout à traverser et faire avec les erreurs, les défaillances, les contrariétés, les malheurs
dans le calme et posément
dans la clarté de l’esprit
et si possible avec coeur
Avec calme et sérénité nous prendrons peut-être même les situations d’attente comme des occasions finalement d’observer et de méditer.
Au lieu de s’agacer dans un embouteillage ou une salle d’attente, nous parviendrons peut-être un jour à en profiter pour revenir à la respiration, s’intérioriser et reprendre son souffle pour réharmoniser nos rythmes internes. Sans s’énerver davantage ni s’exaspérer au plus haut point, sans créer de tension interne afin d’éviter de rendre désagréable le temps de la traversée, le temps de l’attente, le temps de l’effort.
Le temps devient non seulement un allié mais le refuge lui-même dont nous avons besoin
Méditer c’est en effet prendre refuge au coeur de l’instant présent.