III/ LA GRATITUDE : UNE PRATIQUE CENTRALE POUR LE CHRISTIANISME ET FONDAMENTALE LE BOUDDHISME
La gratitude est une notion tout à fait centrale dans la vie chrétienne : c’est le sens de l’eucharistie. Eucharistein, c’est rendre grâce, manifester une action de grâce, même quand on ne reçoit aucun bienfait. Personne ne nous doit rien au fond… On se rappellera volontiers que la langue dans laquelle les Evangiles ont été écrits est le grec. La racine du mot c’est chara (χαρά), la joie, l’allégresse même et le verbe chairo (χαίρω), je me réjouis, je suis heureux et parfois même jusqu’à l’excès. C’est à la fois la manifestation et la cause de la joie. Rendre grâce c’est à la fois reconnaître ce que l’on doit, s’en émerveiller et remercier sincèrement. Ainsi, dans les lettres aux Thessaloniens, (5 : 16;18), Paul de Tarse* invite à se réjouir toujours et à propos de tout. Il écrit donc « Rendez grâces en toutes choses » puisque, comme on peut le lire au début nombre de ses lettres apostoliques, « la grâce et la paix vous sont donnés ».
On retrouve ici l’originalité du christianisme des Evangiles qui, historiquement, a combiné la pensée hébraïque et la pensée grecque. En hébreu, dans la Bible, le terme grâce se dit chanan que l’on trouve dans les prénoms Jochanan, Johann en allemand, John et Jean et qui évoque l‘action concrète et efficace qui permet à l’homme de vivre. Et dans l’article de l’Encyclopédia Universalis par Georges Casalis, on comprend qu’il s’agit du don gratuit fait aux hommes de leur vie et de leur salut, en dépit de tout ce qu’ils sont ou de tout ce qu’ils font, leur redonnant indéfiniment leur chance.** Cette grâce, c’est-à-dire ce don gratuit, offerte pour rien et sans condition, est reconnue et célébrée par les Chrétiens qui se réunissent pour remercier et manifester leur gratitude.
Dans le bouddhisme zen en particulier la gratitude est également fondamentale, c’est même le cœur de la pratique. La gratitude, c’est-à-dire rendre la bonté reçue, c’est la 3° instruction qui mène à l’esprit d’Eveil. Il s’agit en effet d’éprouver un sentiment de responsabilité et de chercher tous les moyens d’aider ceux qui souffrent en rendant les bienfaits reçus. Pour les bouddhistes zen, la gratitude est une attitude choisie envers la Vie. Gratitude se dit krita-jna en sanskrit littéralement « s’acquitter de ses dettes de reconnaissance ». En vertu de l’interdépendance qui unit tous les êtres selon le bouddhisme, il convient de cultiver ce sentiment de reconnaissance envers tout ce que les autres ont fait pour nous, pour toute l’aide et tout le soutien reçus. Cela peut paraître assez facile et spontané à première vue, mais cela devient une véritable pratique spirituelle dans les périodes difficiles. C’est, en effet, un véritable défi quand il s’agit de continuer à exprimer sa gratitude dans nos interactions, en toute circonstance, y compris dans l’adversité.
Enfin, dans le Sutra du Lotus qui décrit comment atteindre la bouddhéité universelle, la forme ultime de la « dette de reconnaissance » est décrite ainsi : il s’agit de s’acquitter de notre dette envers tous les êtres vivants en leur témoignant constamment notre bienveillance afin d’« assurer le bonheur et la paix durable de l’humanité ». Pour commencer une telle mission, les pratiques zen prévoient des entraînements fondés sur la respiration et le corps : on expirera en disant « merci », on veillera à dire merci de tout son corps et on parviendra ainsi à ressentir une gratitude sans condition, sans objet et sans destinataire. Il s’agit d’expérimenter la gratitude juste d’être et de vivre comme le ferait une fleur de cerisier portée par le vent. La pratique vise à maintenir la conscience et le ressenti de la bonté et de la beauté de notre être surtout dans les moments où ça ne va pas bien et pour continuer à soutenir ceux qui ont une vie plus difficile encore.
IV/ LA GRATITUDE EN PSYCHOLOGIE : LA MEILLEURE ATTITUDE POUR GENERER UN BIEN-ETRE DURABLE
Les publications et les émissions ne manquent pas sur ce thème. Pour résumer, nous retiendrons que pratiquer la gratitude c’est bon pour la santé.
Le professeur de psychologie à l’Université du Michigan, Chris Peterson est ainsi régulièrement cité pour avoir mis en évidence par exemple qu’écrire des lettres de gratitude « procure à leurs auteurs un sentiment de bien-être durable ». De la même manière Sonja Lyubomirsky, directrice du laboratoire de psychologie positive de Californie affirme que « la gratitude est la stratégie par excellence pour atteindre le bonheur ». Dans des ouvrages comme ceux de Florence Servan-Schreiber sur le pouvoir de la gratitude, on apprend que les personnes qui cultivent cette force sont plus attentifs aux moments agréables et aux événements positifs de leur vie. Ainsi ils en profitent davantage et s’en souviennent mieux, ce qui contribue au sentiment de bonheur et de bien-être intérieur. Par ailleurs, ces personnes volontiers reconnaissantes se préparent, de fait, à poser un autre regard sur leur environnement social et leurs conditions de vie. Insensiblement, ils leur apparaissent sous un jour plus favorable et leur donnent une impression plus positive à l’égard de leur existence, ce qui réduit ainsi les risques de dépression ou de troubles émotionnels. Enfin, pratiquer la gratitude augmente l’empathie à l’égard des autres personnes. Cette qualité d’être et de présence aux autres génère naturellement des relations humaines qui sont de bien meilleure qualité. On voit donc que la gratitude est à la fois une pratique et une attitude pour faire face à ce qui arrive dans la vie. La gratitude est faite d’humilité et d’authenticité. Elle est génératrice de bien-être intérieur et de liens humains étayants. Depuis le meilleur de nous-mêmes, nous nous rendons constamment disponibles pour savoir être attentifs, pour savoir observer et pour recevoir ce que la Vie et les autres ont de meilleur à nous offrir. La méditation nous entraîne à cette présence pleinement attentive à soi et aux autres.
* Paul de Tarse ou saint Paul ou Saul, a vécu au Ier siècle, mort vers 67 à Rome. Juif et citoyen romain de naissance, il persécute les disciples de Jésus de Nazareth avant de se revendiquer apôtre de ce dernier, bien qu’il n’appartienne pas au cercle des Douze. Il devient par la suite l’une des figures majeures de la diffusion du christianisme en-dehors des cercles juifs et judéo-chrétiens ainsi que dans certaines des premières communautés chrétiennes en Asie mineure, en Grèce et à Rome. La tradition chrétienne le surnomme pour cette raison l’« Apôtre des Gentils » c’est-à-dire des non-juifs, ou encore d’« Apôtre des Nations ».
Au cours de sa mission itinérante, à partir des années, il adresse un certain nombre de lettres à ces nouvelles communautés. Ces lettres écrites avant les Evangiles, sont les documents les plus anciens du christianisme. Elles représentent l’un des fondements de la théologie chrétienne, mais aussi, d’un point de vue historique, une source majeure sur les origines du christianisme. D’après la notice Wikipedia
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C’est tellement important que dans le langage courant les Grecs se saluaient en disant « Chairo » et les Juifs en disant « Shalom » et l’on continue de se dire « Salut ! » sans se rappeler toujours que l’on souhaite ainsi une béatitude éternelle.
Méditer permet en effet d’expérimenter, du plus profond de soi-même ce sentiment de reconnaissance en même temps que cette responsabilité. Méditer permet surtout de se reconnecter avec la joie aussi d’avoir reçu des bienfaits, de l’aide, du soutien. Comme aucune pratique ne portera de fruits sans entraînement, nous acceptons de répéter cette pratique encore et encore, aussi souvent et aussi intensément que nécessaire. C’est ainsi que la gratitude devient progressivement l’une de nos ressources. Nous méditons non seulement pour en faire une attitude activée plus volontiers dans la vie ordinaire mais également pour disposer éventuellement d’une ressource, telle une bouée, dans les circonstances sont moins favorables dans l’adversité.
Nous entraînons donc à générer un sentiment d’observation reconnaissante à l’égard de ce qui est déjà là, de ce qui est juste là, au creux de nos vies. Pour générer de la gratitude au fond pour ce qui constitue l’essence même de la Vie, nous nous rendons présents et attentifs. Nous pratiquons la méditation pour retrouver la sensibilité spontanée pour ce qui est naturel …un simple rayon de soleil…. un éclat de rire…. une fleur. Activer cette vigilance constante pour détecter ce qui nous fait du bien, même en quantité infinitésimale… un tout petit sourire… une tasse de thé… appeler une amie… Nous entraîner c’est décider de diriger aussi notre attention plus vivement et plus intensément pour vérifier notre qualité de présence aux moments agréables, aux évènements positifs et pour les savourer davantage et mieux s’en souvenir après. Cultiver la présence c’est aussi se nourrir de ces précieux moments, même quand ils sont terminés. C’est parvenir à les apprécier au présent mais aussi dans la durée. Ce serait un peu comme changer de lunettes : nous décidons de choisir un filtre volontairement reconnaissant, un filtre qui place la reconnaissance au premier plan plutôt que les attentes ou les reproches. Nous choisissons par défaut la gratitude plutôt que de comptabiliser les choses désagréables ou le ressentiment.
Méditer permet de se donner le temps d’éprouver la gratitude plus régulièrement et plus souvent. Méditer ce n’est pas tellement chercher à augmenter son sentiment de bien-être ou son bonheur personnel. C’est surtout chercher à développer l’empathie à l’égard des autres, d’abord en nous-mêmes. Et puis c’est chercher à se maintenir dans une qualité de présence aux autres plus ouverte, plus chaleureuse, plus étayante.
Pratiquer et méditer la gratitude, c’est espérer qu’elle devienne une attitude humble et authentique. Nous ressentons que nous pouvons devenir ce générateur de bien-être intérieur qui nourrit ensuite des liens humains plus confiants, plus forts et plus sereins.
Grâce à notre méditation et à ce temps précieux de retour vers nous-mêmes, nous accédons à ce qu’il y a de meilleur, non seulement, de meilleur en nous, mais nous accédons aussi à une nouvelle qualité d’être. Nous devenons de plus en plus attentifs et capables d’observer finement ce qui fait du bien, ce qui est beau, ce qui vaut la peine de vivre.
Méditer pour déposer, au fond de nous, ces ressentis et songer à les activer régulièrement. Progressivement ce sera plus facile à partager avec les autres. En étant ainsi plus attentifs et en améliorant la qualité de notre présence, nous améliorons aussi la qualité de notre présence aux autres. Et, part des rétroactions infinies, les autres améliorent leur qualité de présence et l’attention qu’ils nous portent. Ce flux de gratitude et cette énergie de reconnaissance rendra la traversée de notre existence sans doute plus facile, plus douce et plus légère.
Puisque cette vie nous est donnée à vivre et puisque nous avons à vivre cette vie, essayons de nous en réjouir dès que c’est possible même sur les toutes petites choses…et, d’ailleurs peut-être surtout, sur les toutes petites choses.
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https://www.lesechos.fr/weekend/perso/bien-etre-la-pratique-de-la-gratitude-a-change-ma-vie-1210485
https://www.decitre.fr/livres/la-gratitude-9782714479280.html
La gratitude. Cette force qui change tout
Alexandre Jollien (Préfacier), Sylvie Carteron (Traducteur) les bienfaits de la gratitude
https://www.franceinter.fr/emissions/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-16-aout-2019
https://www.franceculture.fr/emissions/trois-minutes-mediter/gratitude
https://www.2minutesdebonheur.com/jadopte-la-gratitude/
http://vieetcancer.be/bien-etre/et-si-je-me-faisais-du-bien-en-disant-merci
https://blog-bloomr.org/2018/09/28/reconnaissance-remerciement-cnv/
https://fr.wikihow.com/r%C3%A9agir-lorsque-l%27on-est-pas-remerci%C3%A9-pour-un-cadeau
https://lapenseedujour.topchretien.com/les-trois-dimensions-de-la-gratitude/
https://croire.la-croix.com/Definitions/Sacrements/gratitude-fait-bien-2019-12-26-1701068554
https://www.bibleinfo.com/fr/topics/reconnaissancegratitude
https://www.lavie.fr/ma-vie/spiritualite/6-pistes-pour-cultiver-la-gratitude-chretienne-60595.php
Claire Le Go, qui anime le blog Gratitude et compagnie, en a fait l’expérience, notamment l’an dernier lors de son cancer : « Retenir les cadeaux de chaque jour – la présence de mes amis, l’attention des soignants – m’a aidée à traverser la maladie. Malgré la profonde fatigue due aux traitements, je peux dire que j’allais bien, confie-t-elle. Il ne s’agit pas de s’interdire les émotions négatives, mais de s’arrêter sur les beaux moments. Adopter une telle attitude a des effets bénéfiques dans tous les domaines de la vie : la confiance en soi et l’acceptation de son corps, les relations familiales ou amicales, la vie spirituelle, et même un mode de vie plus sobre. » Et de conclure : « Dire merci et le ressentir souvent change la vie! »
https://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Grace/Qu-est-ce-que-la-grace
https://www.youtube.com/watch?v=bh7PLQjn610 sagesses bouddhistes
https://bouddhanews.fr/vivez-le-zen-au-quotidien-le-tresor-de-la-gratitude/
