La méditation, une ressource dans le deuil
Pourquoi la méditation s’offre-t-elle comme une ressource dans le deuil ?
Comment la méditation s’offre-t-elle comme ressource dans le deuil ?
Pour de nombreuses raisons, il me tenait à cœur, non pas d’asséner des leçons de vie brutales et inutiles du style « comment vivre le deuil en 3, 5 ou 9 étapes » ou encore « le deuil pour les nuls ». Mais j’avais envie de partager en lien avec la méditation, des ressources et des références pour se préparer à vivre le deuil ou pour proposer un accompagnement de la traversée du deuil s’il est à vivre en ce moment pour vous.
Pour commencer, je vous recommande la lecture du livre de Delphine Horvilleur, intitulé Vivre avec nos morts qui se présente comme un livre de consolation tissant tout à la fois les fils du conte, de l’exégèse et de la confession afin de laisser ouvert un passage « entre les vivants et les morts ».
Cette femme qui exerce la fonction de rabbin sait particulièrement « trouver les mots et [connaît] les gestes » et montre que dans la mort aussi « une place peut être laissée aux vivants ». Car le deuil est à vivre pour ceux qui restent et qui souffrent se sentant tout à la fois possiblement révoltés et abandonnés, malheureux et inconsolables. Elle propose un récit articulé autour de la tradition juive et de ses expériences aux côtés des familles afin de montrer comme il est important de faire sentir « combien dans la vie, nous avons été en vie ».
Bien sûr nous avons aimé les récits édifiants au premier rang desquels ceux qui illustrent comment les Juifs qui ont survécu à la Shoah ont continué « malgré tout de choisir la vie », comme Marcelline Loridan qui s’est efforcé avec Simone Weil et les « filles de Birkenau » « de vivre et d’aimer ».
Mais nous avons surtout été impressionnés qu’elle évoque pour nous les deuils particulièrement délicats à envisager, celui d’une amie dans la fleur de l’âge et bien sûr le scandale absolu de la disparition d’un enfant. Avec sensibilité mais sans pathos elle décrit cet « effondrement du monde », « ce chaos indicible dans lequel plonge l’humanité, sous les traits de parents dont l’avenir est en un instant devenu le passé ».
A lire ce livre, on apprécie que Delphine Horvilleur trouve pour nous les mots qui manquent pour accompagner le deuil car généralement « personne ne sait parler de la mort » et que ceux qui restent et qui souffrent ont terriblement besoin d’évoquer non seulement leurs disparus mais aussi leur immense douleur personnelle.
Enfin, nous aimons qu’elle évoque son rôle de rabbin qui est là, non pas pour « faire sienne la douleur de ceux qu’il accompagne », mais pour « permettre aux effondrés de croire en la possibilité de se relever » et pour « incarner la possibilité, la promesse d’une continuité ». Elle puise ainsidans la tradition juive, l’inspiration et la force de faire « vivre en nous et uni à nous pour toujours » quelque chose de celui qui part en l’intégrant à notre vie. En effet, les « rites du deuil sont là pour accompagner les disparus mais plus encore pour accompagner ceux qui restent » afin de leur permettre « de traverser cette épreuve, celle de la survie » en leur offrant le réconfort dont ils ont besoin.
Par ailleurs et par hasard, avant de vous renvoyer à certains films réconfortants sur ce thème, je porte à votre connaissance un essai de Jacqueline LAGREE qui est professeure de philosophie émérite à l’universtié de Rennes I. Disponible sur internet, il a été présenté en exposé à un réseau breton de soins palliatifs pédiatriques et s’intitule Guérir la mort ? . C’est un beau texte écrit non seulement avec l’expertise universitaire mais aussi avec le cœur et l’expérience d’une femme qui « fut confrontée à la maladie grave et à la mort de son mari puis à la mort d’un enfant, ce qui est pire ». Celle-ci mobilise pour nous les « ressources de son esprit » ainsi que les « grands textes de la culture occidentale ». Nous avons beaucoup aimé que pour affronter « l’épreuve du malheur », Jacqueline Lagrée nous rappelle à « l’exigence de la pensée » car la médecine ne « donne pas de raison de vivre »… « ne soigne pas le deuil, ni la qualité de la relation, ni l’absence ».
Je vous renvoie à ce travail déjà fort synthétique pour ne pas le résumer ici mais juste indiquer que j’ai aimé qu’elle aborde sans détour « la mort des petits enfants » peu évoquée par les philosophes dont beaucoup ont vécu une époque de forte mortalité infantile. J’ai trouvé édifiante cette approche de cet « impensable, le scandale par excellence, la mort et particulièrement la mort d’un enfant » ce que Fiodor Dostoïevski comme Albert Camus « disait ne pas pouvoir pardonner à Dieu ».
Après avoir convoqué nos philosophes préférés au premier rang desquels nous retrouvons Montaigne et Spinoza pour voir si l’on peut non seulement penser mais surtout atténuer « la douleur de la mort de l’autre », nous avons aimé que Jacqueline Lagrée évoque concrètement la méditation comme ressource au final la plus concrète et la plus efficace. D’abord Comme Delphine Horvilleur, cette philosophe observe tout à fait que face à la disparition de nos proches « il nous faut alors changer de monde » et souvent brutalement. Elle ne propose certes pas de tout guérir ni de ne pas souffrir mais à l’invitation de Spinoza de « méditer la vie » afin de moins souffrir du deuil, d’accepter « l’absence, non pas sans douleur mais dans un certain apaisement ». En effet , elle propose de méditer la vie en ruminant en quelque sorte cette pensée que la « vie humaine est création, non pas fatalité mais liberté, non pas clôture du passé mais ouverture sur l’avenir, non pas possession mais don ». Elle nous invite ainsi : « ne pensons pas seulement à ce que nous perdons par son départ mais d’abord à ce qu’il ou elle nous a donné ».
Aussi Jacqueline Lagrée nous renvoie-t-elle en dernière analyse à notre « propre amour de la vie » et à notre façon « d’être au monde » qui correspond à notre façon « d’être disponible au présent et à l’inattendu du futur ». C’est là que nous faisons le lien avec la méditation, car la philosophe conclut que notre attitude face à la mort est commandée au fond par « la façon dont nous vivons le présent » à savoir le vivre soit comme un instant inconsistant, soit comme passage et [mouvement] pérenne soit comme un grain d’éternité. Pour celui qui vit de la sorte, qui reste disponible à un futur autre et créateur, qui songe à épuiser le champ de son possible, la mort n’est qu’un fantôme que la lumière solaire de midi, l’heure du présent, éloigne comme une ombre vaine. »
La méditation est donc bien une ressource dans le deuil
Pour prolonger l’exploration des ressources offertes par la méditation pour le deuil retrouvez les publications précédentes.