« Existe-t-il une expérience plus désirable que celle de la joie ? » Frédéric Lenoir
De la joie, approche philosophique et spirituelle.
L’expérience la plus désirable : méditer pour faire jaillir la joie
« Existe-t-il une expérience plus désirable que celle de la joie ? » Frédéric Lenoir
De la joie, approche philosophique et spirituelle.
La joie n’a pas tellement été un objet de préoccupation des philosophes. Toutefois, quelques petites notes de lecture tirées des ouvrages de Frédéric Lenoir La puissance de la joie et Le miracle Spinoza peuvent éclairer notre lanterne et nous faire vivre mieux.
Grâce à Frédéric Lenoir, nous pouvons accéder à la pensée de Baruch Spinoza, philosophe néerlandais du XVII° siècle, pour qui la joie est à comprendre comme le moyen de s’assurer davantage de puissance et de liberté. Pour Spinoza, l’être humain est fait pour la joie. Selon ce philosophe, la joie c’est la puissance d’existence qui augmente quelles que soient les circonstances par ailleurs. La joie est donc, pour Spinoza, l’expression même de la puissance vitale qui se manifeste quand nous sommes ajustés au réel. Et, grâce à Frédéric Lenoir qui nous guide, nous sommes donc invités à nous questionner sur cette sagesse émanant de la simple joie de vivre. Et nous pouvons retenir avec Spinoza, que la joie est le passage d’une moindre à une plus grande perfection au sens de se sentir vivre mieux, vivre plus, mieux comprendre, progresser…
B. Spinoza, dont l’œuvre est très rigoureuse, précise tout de même qu’il convient de distinguer la joie active de la joie passive. Car la joie passive n’est qu’une joie fausse, une méconnaissance et au fond une illusion. Et Frédéric Lenoir d’évoquer, pour nous éclairer, que, dans une relation amoureuse, une méconnaissance de l’autre finit par conduire à une déception par exemple. En revanche, la joie active qui est liée à une idée vraie, à une véritable connaissance de l’autre, pour continuer dans l’exemple amoureux, permet non seulement un véritable amour mais surtout un amour infini, qui perdure, même si la relation amoureuse en venait à se terminer. Enfin, F. Lenoir permet de clarifier ce point essentiel : pour Spinoza les plus grandes joies proviennent du fait d’être véritablement soi-même, connecté avec ce qui est radical en nous. C’est finalement rejoindre la profondeur de son être qui permet de mieux se sentir relié aux autres. Car ce sont, à n’en pas douter, de nos attitudes altruistes et empathiques que nous tirons nos plus grandes satisfactions.
D’autres philosophes comme Nietzsche ou Bergson ont traité également de la joie pour en faire un témoin essentiel de la vie et comme son véritable accomplissement.
Dans son immense culture et sa grande ouverture d’esprit et de cœur, F. Lenoir nous guide aussi vers les grandes traditions spirituelles qui peuvent également être consultées pour nourrir et étoffer notre réflexion sur la joie.
Tout d’abord, F. Lenoir nous rappelle que la figure du Christ est en Occident considérée comme l’annonce de la joie parfaite : celle éprouvée dans la rencontre avec Dieu. F. Lenoir explique aussi que Jésus dans son enseignement présente la joie des enfants comme le véritable trésor. Et Jésus décrit, en effet, le royaume de Dieu comme la joie donnée à ceux qui ressemblent aux enfants dans leur innocence et la pureté de leurs cœurs. F. Lenoir aime à lire l’enseignement de Jésus comme une philosophie de la joie qui cherche non pas à combattre le désir mais au contraire à le vivre pleinement. Simplement, F. Lenoir comprend que Jésus propose de réorienter le désir vers ce qui nous fait grandir au lieu de ce qui nous diminue dans notre parfaite humanité. Il s’agirait pour Jésus, dans son enseignement, moins d’une moralisation, que de rendre ses disciples joyeux, en réorientant leur désir dans la «bonne» direction.
Dans le bouddhisme, en lien avec ce qu’évoquait Spinoza, la joie est consubstantielle de l’altruisme qui permet de se réjouir constamment de ce que tous les êtres soient heureux.
Une autre philosophie orientale comme le taoïsme est citée par F. Lenoir comme philosophie de la joie par excellence qui prône essentiellement de retrouver et de cultiver la joie de l’enfance. Pour rester dans la joie de vivre, F. Lenoir indique que le taoïsme propose de s’efforcer de vivre dans la fluidité et l’accueil de l’existence comme elle est et non pas de se désespérer qu’elle ne soit pas comme on voudrait qu’elle soit. Le modèle de sagesse est donc à nouveau l’enfant. Les attitudes à cultiver sont par conséquent le lâcher-prise, la souplesse et la flexibilité. Il s’agira de s’adapter au mouvement de l’imprévisibilité de la Vie. Il s’agit de considérer comme illusoire notre désir de maîtrise et vaines nos tentatives de toute-puissance. Au contraire, nous chercherons, comme F. Lenoir l’explique, à retrouver la prédisposition naturelle à la joie et à poser un regard éveillé et conscient sur les événements. C’est ici, sans doute, que réside notre véritable responsabilité et notre seule capacité d’action.
Nous disposons d’un petit moment que nous nous offrons, à l’ écart du monde, à l’écart de nos préoccupations, de nos tâches à accomplir. Nous faisons un petit pas de côté, sans grand engagement et juste pour une durée limitée. Car c’est nécessaire pour tourner vers l’intérieur notre regard, et,pour progressivement essayer de rejoindre au fond de nous, notre être véritable ou notre nature essentielle. Pour ce faire, nous nous installons dans un endroit tranquille, dans une position relativement confortable et si possible tout de même redressée et digne. Nous fermons les yeux et dans un premier temps nous tentons d’être là, juste là.
Dans le bercement de ce silence relatif, dans le bercement de la musique, dans le bercement de la respiration : il faut laisser l’agitation physique s’apaiser et il faut quelques instants pour que nos pensées parviennent à se focaliser, juste “ici et maintenant”. Il faut quelques instants pour parvenir à dresser un petit bilan intérieur ou une petite check list émotionnelle. On ne peut pas décréter dans le flot quotidien des soucis et des émotions un quart d’heure dédié à la joie sans que ce soit un tout petit peu étonnant, voire un tout petit peu dérangeant.
Même dans nos entraînements de méditation nous observons qu’il ne suffit pas de décréter mentalement une activité pour que tout notre être soit disponible et s’y dédie.
Aussi nous accueillons l’état qui est le nôtre. Peut-être que nous sommes dans un état proche de la joie et que, dans une certaine continuité, nous avons choisi cette pratique. Mais, tout aussi bien nous pouvons être dans un état émotionnel perturbé, dévasté ou en rage. Nous pouvons traverser un gros chagrin mais avoir envie de prendre l’air et de se changer les idées avec cette pratique orientée vers la joie.
Il est très réconfortant, avec un philosophe comme SPINOZA, de toucher cette évidence que la joie est déjà là et que c’est même, la source de la Vie en nous.
Notre mental se déclenche peut-être pour commenter, s’agiter voire se cabrer à l’écoute de ces paroles. C’est sans problème : laissons passer les pensées sans nous y opposer, sans argumenter, sans vouloir changer quoi que ce soit.
Nous revenons doucement à cette image de la source jaillissante et nous laissons raisonner les mots de SPINOZA :
«un être fait pour la joie, un être fait par la joie, un être fait pour la joie ».
Nous laissons aussi raisonner en nous les expressions comme : “puissance d’existence”
Comment trouver cette manière de vivre qui nous ferait sentir augmenté ?
Nous progressons et nous laissons infuser délicatement.
Nous respirons, nous sentons les battements de notre cœur, nous nous sentons vivre tout simplement.
Nous avons un corps en parfait état de fonctionnement puisque la plupart de nos organes restent dans le silence de la santé et accomplissent le miracle de nous maintenir envie comme le foie, les reins, l’estomac.
Nous cultivons cette attention toute simple à la vie en nous.
Nous ne cherchons pas à atteindre une euphorie comme si nous avions gagné au loto ou gagné un titre de champion.
Mais cherchons la sensation de la source de la vie en nous qui se déploie dans sa perfection. Il ne s’agit pas d’une approche moralisatrice mais d’une approche lucide : c’est déjà tellement extraordinaire de sentir ce fonctionnement parfait de notre cœur qui bat , de notre respiration sans le moindre effort et de toute cette mécanique vivante sans qu’on s’en occupe.
Véritablement présents à nous-mêmes, connectés à cette source de vie en nous, nous rencontrons la joie élémentaire et toute simple de vivre, juste vivre, miraculeusement vivre.
Ressentons cette tranquillité et cette sérénité.
Et si cette méditation devenait une des boussoles de notre existence ? Nous pouvons décider d’utiliser comme point de repère ce ressenti de la joie de vivre en nous. Est-ce que les actions que nous entreprenons et nos décisions nous font ressentir que nous sommes davantage en vie ? Que nous vivons plus ? Que nous comprenons mieux ? Que nous progressons vraiment ?
En fonction de ce nouvel étalon de la joie de vivre en nous, nous pourrons nous détourner de ce qui est rétréci, de ce qui nous rend plus petit, de ce qui ne contribue pas à un élan en nous.
Il ne s’agit pas de cette euphorie pré-fabriquée et artificielle – telle que la société de consommation ou du loisir en produit – Ce standard de la joie de vivre se retrouve plutôt dans le sourire des enfants quand ils sont contents par exemple s’éclabousser à une fontaine, de marcher dans les flaques d’eau, de voir ruisseler les gouttes sur eux.
La source est en nous. Aussi, quand nous ne la ressentons plus, revenons à la souplesse et à la fluidité de l’enfance pour accueillir l’existence exactement comme elle se donne à vivre.
Revenons régulièrement à la métaphore de la source à la fois dans le jaillissement mais également dans la capacité de l’eau à prendre toutes les formes sans être altérée en elle-même. Il ne s’agit pas de contrarier sa nature et ni de changer sa nature : l’eau ne change pas sa nature mais elle contourne les obstacles ou elle épouse leur forme sans se changer substantifiquement.
Revenir le plus régulièrement à sa source intérieure comme si c’était l’expérience la plus désirable.
Revenir à l’essence même de notre être et à cette source même de la vie en soi pour la laisser jaillir. A l’image du graal qui se remplit de lui-même, on peut devenir un graal pour soi d’abord mais aussi pour les autres.
Entretenons notre source de joie de vivre aussi pour les autres afin que – dans les hauts et les bas de l’existence – ils puissent éventuellement réamorcer leur propre petite fontaine personnelle quand elle a un peu du mal à jaillir par elle-même.
0Cultivons cette expérience : faisons jaillir notre joie de vivre afin d’aider ensuite les autres à en faire de même ne serait-ce que par simple imitation, de proche en proche et d’instant en instant.
Partage de lectures des oeuvres de F. Lenoir La Puissance de la Joie et Le miracle Spinoza
