La pratique symbolique du calme profond.
La méditation du lac est une pratique symbolique classique pour ressentir en soi un calme profond et gagner en stabilité émotionnelle en laissant le réel se refléter à la surface du mental et des émotions exactement tel qu’il est.

Cette méditation est dédiée à mes amies de Macon en Saône-et-Loire car le lac est associé dans la culture commune au poème d’Alphonse de LAMARTINE qui le fit connaître en 1820 alors qu’il évoquait son amour éphémère une jeune femme trop précocement disparue quelques temps auparavant.
Le vers la plus connu est celui-ci
« oh temps suspend ton vol et vous heures propices
suspendez votre cours,
laissez-nous savourer les rapides délices
des plus beaux de nos jours ».
Dans cette méditation, il ne s’agit pas, pour nous, de ressentir l’exaltation romantique de LAMARTINE qui, faisant seul, à présent, le tour du lac du Bourget déplorait le temps qui passe et emporte tout ce à quoi on tenait.
Il s’agit pour nous de le rejoindre dans sa contemplation de l’imperturbable nature et, ce faisant ,dans son inspiration méditative.
Nous ne vantons pas l’indifférence ou le désintérêt des éléments mais nous cherchons à nous inspirer de la nature pour cultiver en nous l’équanimité et la stabilité émotionnelle.
Exceptionnellement nous pouvons pratiquer en position allongée.
Nous nous allongeons de préférence sur le sol après y avoir déposé un tapis et afin de ressentir les points d’appui de notre corps sur le sol : il n’est pas recommandé de rechercher un confort excessif qui risquerait de nous endormir. Dormir ça repose mais ce n’est pas le même exercice.
Allongé sur le sol, nous pouvons disposer un coussin sous nos genoux et nous commençons à pratiquer cette méditation sans chercher à modifier quoi que ce soit.
Nous laissons notre corps se poser et déjà se reposer sur le sol, nous prenons le temps de ressentir l’accueil du sol qui porte notre corps. Il s’agit de sentir que le sol offre un soutien ferme et sécurisant et peut-être que, progressivement, nous pourrons ressentir quelque chose comme si on s’enfonçait dans le sol pourtant dur et ferme.
Cette pratique se rapproche tout à fait de la posture de yoga que l’on l’appelle Shavasana qui est l’une des plus importantes du yoga. Elle est vraiment importante car c’est la seule posture incluse à chaque séance de yoga et qui constitue l’apogée du cours de yoga.
En atténuant l’agitation du cours de yoga et en réactivant le système parasympathique la posture shavasana offre une certaine détente et du bien-être. Mais s’entraîner à shavasana diminue surtout les ressentis de stress au fil de la vie quotidienne.
Nous utilisons le terme sanskrit shavasana pour ne pas effrayer les personnes tout spécialement en occident avec le mot « cadavre ». Shavasana, c’est en effet, le cadavre de l’égo qui est mimé dans la posture. Déjà ne rien faire, rester immobile et silencieux constitue un véritable défi en soi, voire même une épreuve. C’est pourtant une posture méditative par excellence qui invite à se retirer du monde. Allongé sur le sol, nous nous entraînons à ne plus agir, à lâcher l’agitation, à lâcher nos attachements, à lâcher nos possessions, à lâcher les apparences.
En posture allongée nous nous exerçons aussi à lâcher les désirs tournés vers l’extérieur, vers les choses extérieures tout comme nous lâchons nos aversions pour ce que nous pensons être désagréable ou à l’origine du déplaisir. C’est un entraînement méditatif de très haute niveau pour reconnaître et accepter le réel exactement tel qu’il est y compris dans sa finitude et son incomplétude, y compris au-delà de la surface corporelle superficielle de notre personne.
A présent nous revenons au thème du lac qui est finalement une étendue d’eau elle aussi portée par le sol. Chacun connaît un lac, son lac de référence, de cœur, même un étang ou une piscine peut suffire. Le lac de Constance en Autriche, le lac d’Aydat dans les volcans d’Auvergne, le lac du Pêcher dans le Cantal.
Je me rappelle que ma grand-mère aimait beaucoup l’étang de Molles dans l’Allier.
On peut préférer le lac du Bourget ou un lac de barrage à côté de chez soi.
Il s’agit de ressentir la profondeur, la profondeur du lac. Les lacs de volcans sont entourés de douces hauteurs qui se reflètent ainsi que les sapins à la surface du lac.
Une des intentions de cette pratique c’est de se maintenir dans ce paradoxe, dans cette perception du lac à la fois comme surface et comme profondeur.
Le lac est cette surface brillante et lumineuse qui renvoie à la nature son exact reflet, sans rien modifier, sans rien désirer ni repousser. Le lac c’est aussi cette profondeur imperturbable à laquelle la réalité environnante n’a pas accès au-delà des rides de quelques petites vagues : le lac en profondeur demeure immobile et imperturbable. Il demeure vivant, habité mais calme.
Dans l’immobilité et le silence de cette méditation profonde, nous parvenons peut-être à ressentir cette immense profondeur, peut-être qu’alors nous sentons comme absorbés par le sol, presque dissoutes dans le réel. Nous sentons de moins en moins la distinction entre nous et le monde extérieur. C’est comme si nous étions devenus le lac et tout ce qui l’entoure.
Nous nous maintenons dans cette perception du souffle du vent qui forme peut-être des ridules, des petites ondes à la surface du lac, peut-être même des vaguelettes voire une franche agitation comme le mental produit des pensées, comme les émotions se déroutent en nous. Mais nous ressentons aussi la vaste profondeur, nous ressentons l’immensité du lieu, habité par le calme le plus profond en nous, totalement immobile, profondément imperturbable dans la plénitude d’un calme infini
Et puis tout doucement je vous accompagne sur le chemin de la réalité quotidienne.
Je vous invite délicatement à la remontée vers la surface avec lenteur, avec douceur tout à fait progressivement.
En général pour sortir de cette posture shavasana il est conseillé de se rouler sur le côté afin de prendre une posture fœtale pour quelques instants. Peut-être qu’ainsi nous mimons le retour à la vie ou une forme de renaissance.
En pratiquant régulièrement nous pouvons espérer, dans cette nouvelle portions de vie qui s’ouvre à nous, ressentir davantage et plus souvent s’ouvrir en nous, l’espace du calme. Peut-être que depuis cet espace du vaste calme, de la plénitude infinie, nous ressentirons davantage la clarté et la lucidité de l’esprit. Peut-être que, depuis ce vaste espace du calme, depuis cette profondeur infinie et imperturbable, nous générerons davantage de patience et de douceur pour nous d’abord et puis par une onde concentrique, de proche en proche, autour de nous et jusqu’au vaste monde.
Nous prenons la précaution de nous relever très doucement.
Le Lac – Alphonse de Lamartine – 1820 – Méditations poétiques –
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour ?
Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
Laissa tomber ces mots :
» Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
» Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
» Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore
Va dissiper la nuit.
» Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! «
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,
Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,
S’envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !