Développer la conscience corporelle et ressentir la vie habiter le corps : pratique du balayage corporel ou bodyscan
« Prends soin de ton corps pour que ton âme ait envie d’y rester »
Proverbe indien
« Méditer pour développer la présence corporelle et ressentir la vie habiter en soi »
Image : Maria Adam, Mexico
Une autre traduction de ce proverbe parfois attribué à Gandhi serait « fais du bien à ton corps pour que ton âme ait envie de l’habiter ». Peu importe au fond, on comprend assez aisément l’allusion mais comment en saisir toutes les implications.
Le corps, quelles que soient nos convictions spirituelles ou métaphysiques par ailleurs, est indéniablement le lieu de notre vie : il est même la manifestation de la Vie en nous. Notre corps nous est donné en même temps que la vie et c’est son extinction qui déterminera, en dernier lieu, la fin de notre vie terrestre, dans sa dimension manifestée et matérielle.
Il s’agit certes d’une assignation à résidence qui n’est pas choisie mais que nous pouvons choisir de vivre sans la subir totalement. En reconnaissant que le corps dans lequel nous sommes incarnés est le lieu de notre présent – de notre « vie au présent » – nous accédons à une dimension intéressante et stimulante. Bien sûr, le corps peut porter des stigmates du passé comme des cicatrices et des mutilations, mais il ne peut être perçu que dans l’instant présent par nos sens, dans l’ici et maintenant. Notre corps est forcément au présent. C’est donc un support précieux pour la méditation.
En remarque préliminaire, précisons que la méditation de pleine présence n’a pas pour intention le bien-être ou la relaxation corporels. Ce sont éventuellement des bénéfices secondaires appréciables mais ce ne sont pas des buts vers lesquels tendre absolument. La méditation est un entraînement de l’esprit destiné à se rendre pleinement présent à ce qui est, sans chercher à le modifier, ni fusionner avec ni le repousser.
Que le corps ressente du plaisir, il s’agira d’observer sans s’y attacher.
Que le corps ressente de la douleur, il s’agira d’observer sans refuser ni se mettre en sur-tension pour générer de la souffrance psychique en plus de la douleur physique.
L’intention sera ici de retrouver une certaine union du corps et de l’esprit, trop souvent dissociés dans nos existences contemporaines et nos trépidations mentales.
Une des pratiques fondamentales de la méditation de pleine conscience est appelée scan corporel ou balayage corporel.
C’est aussi une pratique assez ludique à pratiquer avec les jeunes gens et les élèves qui ne correspond pas aux stéréotypes qu’ils peuvent avoir sur la méditation. C’est donc souvent une bonne porte d’entrée pour la méditation formelle. Tout au long de la vie par ailleurs, et spécialement dans les moments difficiles, voire en toute fin de vie, ces pratiques à visée corporelles sont majeures pour vivre et traverser la douleur physique en minimisant ses impacts émotionnels et psychiques.
Nous nous installons donc confortablement pour cette pratique afin de développer notre présence corporelle tout en sachant que cette pratique du balayage corporel, dite du scanner du corps peut être pratiquée dans absolument toutes les circonstances. Elle est d’ailleurs particulièrement bienfaisante le matin au réveil quand justement le mental ne s’est pas encore déclenché et que le corps est encore facile à ressentir : c’est comme un petit état des lieux avant de se jeter dans le flot des activités quotidiennes.
Elle peut être ensuite pratiquée dans les phases intermédiaires ou les transitions, parfois même dans des lieux insolites et ça nous permet ainsi de mieux accueillir ou supporter les transports en commun, les files d’attente, les salles d’attente. Nous la pratiquons facilement à l’accueil des élèves en classe, nous pouvons créer comme un sas quand on voit que l’agitation est trop intense et qu’ils ne sont pas disponibles pour le travail scolaire. Je dis souvent que je vois bien que leurs corps sont entrés dans la pièce mais que leur attention et leur intelligence ne sont pas encore tout à fait arrivées. Nous pouvons les inviter à vérifier qu’ils sentent bien leurs pieds sur le sol.
Le balayage corporel peut donner lieu à des variations : on va choisir une couleur, des paillettes et on va enduire son corps, on va nommer les parties du corps et on va imaginer qu’on va enduire son corps avec cette lumière, avec ces paillettes comme une lampe torche qui parcourt chaque partie du corps. C’est intéressant en cas de grosse contrariété ou de tempête émotionnelle quand on n’a pas de solution immédiate et que les enfants n’arrivent pas à s’endormir. Cette pratique peut aussi être recommandée en cas d’insomnie ou de réveil nocturne.
Quand on a pris cette habitude, généralement à la moitié du scanner du corps, on est rendormi et le cerveausachant que cette pratique conduira au rendormissement, se laisse aller plus facilement dans le sommeil.
Ces propos préalables ont déjà permis à l’immobilité de s’installer. Et nous observons que l’immobilité corporelle agit sur notre esprit et apaise un peu le mental : puisqu’il n’y a pas de danger et aucune activité, l’immobilité agit en nous par rétro-action du corps sur le mental qui peut déjà un peu se calmer.
Dans le confort et la stabilité de la posture, sans effort et sans contrainte nous commençons à faire le tour du propriétaire comme on visiterait un jardin, une maison, un musée.
Nous essayons d’abord de ressentir le contact corporel avec le sol ou avec nos habits ou avec l’air ambiant. Nous ressentons très nettement notre pied gauche, le gros orteil, le petit orteil, le deuxième orteil, le quatrième orteil et plus difficile l’orteil du milieu.
Nous ressentons la voûte plantaire, derrière les orteils, sur le côté, sur le talon, nous ressentons le talon, le talon d’Achille, les malléoles à l’intérieur, à l’extérieur, le dessus du pied gauche, le tibia, le mollet gauche, le genou gauche dessus, dessous, le dessus de la cuisse gauche, le dessous de la cuisse gauche et toute la jambe gauche du pied gauche à la hanche. Peut-être que nous sentons déjà une petite différence entre notre jambe gauche et notre jambe droite.
Nous ressentons nos orteils du pied droit, le petit orteil, le quatrième orteil, le troisième, le deuxième, le gros orteil droit, sous le pied droit, toute la voute plantaire, derrière les orteils, le creux et le talon. Nous ressentons la malléole interne, externe, le talon d’Achille et le dessus du pied.
Nous portons notre attention sur le tibia droit, le mollet droit, le genou droit, sous le genou droit, la cuisse droite, dessous, dessus et toute notre jambe droite du pied à la hanche.
Quelle que soit notre position, nous ressentons le poids de nos deux jambes sur le lit ou sur le sol, sur la chaise.
Nous laissons poser de tout leur poids nos membres inférieurs et tout ce qui est lourd en nous se pose, se dépose, se repose.
Et sur les prochaines expirations nous accompagnons ce mouvement de lâcher tout ce qui est lourd en nous tout ce qui pèse, tout ce qui nous entrave, tout ce qui nous ralentit.
De la même manière le bassin qui est le plus os du corps se pose, se repose, l’ischion gauche, l’ischion droit, le fessier gauche, le fessier droit, le pubis lourd, abandonné, relâché dans cette intention de sentir la pesanteur et à l’expiration de lâcher dans cette pesanteur tout ce qui est pesant dans notre vie, dans notre situation.
Nous autorisons ainsi la partie supérieure de notre corps à être plus légère car elle est plus mobile du fait de la respiration et elle se sent comme allégée. Nous remontons depuis le coccyx, le sacrum et même si c’est difficile et abstrait au départ, nous passons notre torche – la torche de notre attention – ou le pinceau de couleur que nous avons choisi sur les toutes premières vertèbres, les lombaires – qui sont en fait comme des cubes en bois – posées les unes sur les autres et qui tiennent par l’équilibre.
Nous remontons des lombaires à la charnière dorso-lombaire et puis aux vertèbres dorsales. Nous sentons nous essayons de ressentir chacune de nos cervicales. Nous ne nous affaissons pas mais nous laissons les courbures naturelles s’exprimer dans l’équilibre de leur maintien spontané.
Et puis quelque part tout en haut de nos cervicales, nous sentons en équilibre la toute première vertèbre qui s’insère dans la boîte crânienne.
Puis nous inspirons de long de la colonne vertébrale depuis le coccyx jusqu’à la première vertèbre
Et puis nous expirons de la première vertèbre jusqu’au coccyx.
Nous sentons notre ventre se gonfler légèrement à l’inspire : nous ne modifions rien, mais nous observons cette mobilité des parties inférieures de notre corps, du bas ventre, de l’abdomen à proprement parler, du plexus solaire, et des toutes premières côtes.
Nous essayons de ressentir le diaphragme et puis le poumon gauche qui a un petit moins de place car nous ressentons le cœur qui bat. Nous sentons le poumon droit qui se gonfle et soulève la cage thoracique.
Nous sentons aussi notre clavicule gauche et notre clavicule droite.
Nous sentons notre épaule gauche et nous la laissons reposer car le bras est attaché et ne va pas tomber. Nous pouvons lâcher aussi le dessus du bras, de l’épaule gauche à l’intérieur du bras, le coude intérieur, extérieur, l’avant-bras intérieur, extérieur, le poignet intérieur, extérieur.
Et nous allons laisser peser notre main de tout son poids, la paume de la main, le dessus de la main, l’auriculaire, l’annulaire, le majeur, l’index et le pouce comme si notre membre était devenu du plâtre ou le bras d’une statue de marbre, totalement figée, immobile et très, très lourde
De la même manière, comme si nos omoplates étaient des ailes, nous les replions et nous laissons peser de tout leur poids en commençant par l’omoplate gauche – comme si elle fondait, comme si elle dégoulinait, comme si c’était du bronze ramolli – Et, peut-être que, sans effort, nous observons que ça nous redresse un tout petit peu et que nous respirons légèrement plus facilement.
De la même manière avec l’omoplate droite : nous la sentons très, très lourde et qui dégouline pèsent de tout son poids.
L’épaule droite se repose, l’aisselle droite, le bras – antérieur, extérieur -, le coude – à l’intérieur, à l’extérieur- , l’avant-bras, le dessus de l’avant-bras, l’intérieur de la main, de la paume qui pèse très, très lourd, l’auriculaire, l’annulaire, le majeur, l’index et le pouce qui lâchent l’affaire et se reposent. Les doigts et la main arrêtent de vouloir tout maîtriser, tout contrôler et lâchent complètement prise. Ils deviennent lourds – lourds comme du plâtre, comme du plomb, comme du marbre, totalement immobiles et imperturbables.
Pour finir nous sentons notre gorge, notre nuque.
Nous lâchons nos mâchoires : à gauche et à droite. Nous relâchons la langue derrière les dents et la cinquantaine de muscles de notre face. C’est comme si notre visage devenait vaporeux ou comme s’il devenait comme du miel tout dégoulinant, transparent, translucide, léger, léger, léger …
Les yeux se reposent dans l’orbite : l’œil gauche comme si c’était un œuf au fond d’un bol, plus rien à regarder, plus rien à fixer et le regard se tourne vers l’intérieur, se détache de tout et se laisse glisser,
L’œil droit : est-ce que je sens mon œil droit, est-ce que je le sens se reposer et se laisser complètement aller. Il n’y a plus rien à regarder. La paupière gauche, la paupière droite : légères, légères.
La tempe gauche. On se concentre bien sur la tempe gauche. Sans modifier nos perceptions : nous cherchons à bien sentir de l’intérieur et dans le contact de l’air sur notre peau. Idem pour la tempe droite : l’air sur la tempe ou le ressenti de l’intérieur.
Puis le sourcil gauche, le sourcil droit et au milieu l’espace du troisième œil.
Nous respirons tranquillement et nous lissons le large front, nous le déplions, nous le défroissons comme si c’était le front d’un bébé tranquille et serein.
Nous ressentons notre cuir chevelu sur la partie gauche, sur le dessus jusqu’à la nuque et sur la partie droite. Nous le ressentons de l’intérieur si possible ou sinon nous imaginons le contact avec l’air extérieur. Nous nous rappelons les sensations du shampoing par exemple.
Nous sentons notre oreille gauche : tout le pavillon et le lobe, l’oreille droite, tout le pavillon et le lobe.
Vérifions que nos mâchoires ne se sont pas resserrées, nous écartons légèrement la lèvre inférieure et peut-être que nous pouvons dessiner un très léger sourire comme celui de la Joconde ou du Bouddha. Un sourire très léger.
Et, tranquillement nous respirons.
Nous ressentons à présent l’intégralité de notre enveloppe corporelle des pieds à la tête, du bassin au bout des doigts, toute la colonne vertébrale et peut-être que si nous sommes assis nous nous sentons comme dans un fauteuil dans une assise très confortable, très stable et pleine de dignité.
Sans tension et sans effort peut-être que nous ressentons un tout petit peu plus grand que d’habitude.
Nous remarquons ce paradoxe à savoir que sous l’effet du stress et de la tension , nous avons un ressenti corporel plus petit et plus étriqué car nous sommes crispés alors même que nous avons des difficultés à affronter .
En revanche, à l’issue d’un balayage corporel, nous pouvons observer que nous avons une perception de nous à la fois plus grand, plus stable et peut-être plus digne… peut-être plus courageux … peut-être plus confiant pour affronter les situations qui nous sont données à vivre et les difficultés qui se présentent.
Ressentons donc dans une grande inspiration de la tête au pied notre vraie dimension.
Ressentons dans nos expirations, notre juste dimension.
En méditant régulièrement, nous assumons petit à petit la responsabilité de prendre soin de notre corps pour que notre âme aime y habiter et ait envie d’y rester davantage.
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Image : Maria Adam, Mexico https://pixabay.com/fr/users/kimcsi6308856/?utm_source=linkattribution&utm_medium=referral&utm_campaign=image&utm_content=3498234